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  • Photo du rédacteurLucas Laberenne

Un carnet bleu comme seule défense

Dernière mise à jour : 12 sept. 2020



Interpellé en possession d’un opinel de catégorie 6 dans le métro, et ayant refusé de donner ses empreintes, Antoine Turpin, comparaissait le 19 juin devant le tribunal correctionnel de Paris. C’est un homme seul et confiant qui se présente à la barre.


Cheveux courts, noirs, sourcils froncés et arborant une chemise blanche, Antoine Turpin reste silencieux lorsque qu’on lui rappelle les faits. Arrêté dans le métro parisien pour un banal contrôle d’identité, c’est en possession d’un opinel de catégorie 6 avec cran, que le sociologue alors âgé de 37 ans, est interpellé. Il reconnaît les faits, pourtant, il va refuser de se soumettre au test d’empreintes. «cette absence d’acceptation est surprenante pour une personne sans casier» commente d’ailleurs la présidente Michèle Bernard-Requin. Mais elle, et madame la procureur, ne sont pas au bout de leurs surprises. C’est en effet seul, tenant un petit carnet bleu, et affichant un sourire en croix, que l’accusé commence sa défense.


Une défense Atypique

«C’est la première fois que je vois un prévenu prendre des notes» observe la présidente. Mais cela, ne perturbe en rien l’accusé. Antoine Turpin va se défendre seul, et il possède un axe bien précis. Son couteau est un outil, un outil dont il se sert depuis longtemps «j’ai un opinel depuis que j’ai trois ans» lance-t-il, «je suis né dans le sud Est», « je ne savais pas que c’était interdit ».Sa voix est calme, sereine, mais cela ne va pas être le cas de tout le monde.


C’est en essayant d’évoquer le décret du 6 mai 1955, concernant les armes, pour prouver que son opinel n’est pas dangereux, qu’il va provoquer l’agacement du tribunal. En effet, essayer d’enseigner le code pénal à madame Michèle Bernard-Requin, ne fut sans doute pas sa meilleure idée durant le procès. «Vous n’allez pas m’apprendre le code pénal ! Le tribunal sait très bien la différence entre une arme par nature et une arme par destination» lui lance-t-elle. L’accusé y répond en rappelant combien son interpellation a été « brutale », et combien elle fût une «comédie». Il finit en ajoutant : «c’est à ma demande si je suis ici, j’envisage réparation». La présidente et l’accusation en sont ébahies, la décision du procureur ne s’annonce pas clémente.


Une autonomie qui agace

C’est par hochement de tête empli de désarroi, que l’accusation commence. «Dans cette affaire, j’ai l’impression que monsieur Turpin n’est pas hors la loi, il est au dessus de la loi», «monsieur à l’audace de dire, que c’est à sa demande que le tribunal s’occupe de lui», c’est par un stylo en bouche et un léger sourire aux lèvres que le prévenu encaisse ces phrases.


«Je propose une amende d’un montant de 800€, ainsi que, pour éviter toute récidive de port d’arme prohibée, ou cette forme de rébellion, un mois d’emprisonnement avec sursis». Pour toute réponse, l’accusé semble se jouer une dernière fois du système, et demande une annulation du procès pour un vice de forme présent dans sa convocation. «Vous en savez assez, mais pas encore suffisamment, il fallait le demander avant, In limine litis» répond madame la présidente, à la colère grandissante. Et comme ultime déclaration, l’accusé ajoute qu’en cas de «condamnation scandaleuse», il ferait appel. S’en est trop pour madame la présidente, elle rétorque par «laisser nous le temps de décider quand même !» et lance un «affaire suivante» qui résonne dans tous les couloirs du tribunal.


Par ses exactions, monsieur Turpin semble ici s’être exposé à ce que son attitude durant ce procès, soit autant jugée que ses infractions. Le verdict sera rendu quelques minutes plus tard.



(Cet article a été réalisé grâce au film documentaire la 10ème chambre. Le nom de l'accusé est un pseudo, le procès date de 2003)



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